- SYLVICULTURE
- SYLVICULTURELa sylviculture, étymologiquement culture des forêts, est la discipline d’application de l’écologie forestière à la production de biens et de services, renouvelables, au profit des sociétés humaines.Science de synthèse entre différentes connaissances liées à l’écosystème forestier, elle se rapproche de l’agriculture par l’exploitation du milieu vivant, mais en diffère par au moins trois caractères fondamentaux qui lui confèrent une profonde originalité:– Le matériel vivant utilisé a une très longue durée de vie.– Le système de production, la forêt [cf. FORÊTS], reste le plus souvent très proche des écosystèmes naturels et utilise des espèces sauvages, même si les efforts d’introduction de nouvelles essences et de sélection cherchent à améliorer le matériel de base.– La production est non seulement composée de bois, produit essentiel de la forêt, mais est encore complétée par des produits secondaires (liège, champignons, baies, gibier, miel, etc.), par des effets indirects de protection (contre l’érosion des sols, les glissements de terrain, les avalanches, le bruit), de purification de l’eau et de l’air, enfin par l’offre d’un cadre privilégié d’activités de loisirs, de délassement, de paix et de contemplation de ses beautés, rôle considéré de plus en plus comme prioritaire. Les forêts sont alors cultivées en tant qu’élément majeur du paysage.L’importance de ces différents rôles de la forêt impose à la sylviculture des compromis entre ces divers usages potentiels, souvent conjoints et parfois contradictoires, et une finesse d’analyse et de synthèse toujours plus contraignante.Pour satisfaire à ces nécessités, les méthodes modernes de la sylviculture se saisissent de tous les progrès des sciences forestières: botanique, phytosociologie et génétique, bien sûr, mais aussi science du sol ou pédologie [cf. PÉDOLOGIE], écologie, entomologie, pathologie, etc.1. Histoires ancienne et récente de la sylvicultureMême si l’on peut faire remonter les premiers textes concernant le traitement des forêts à Pline, les Romains se préoccupant déjà des risques de dégradation des forêts soumises au progrès des civilisations, progrès s’appuyant sur le défrichement de nouvelles terres, les réserves forestières en Gaule, en Germanie et dans toute l’Europe restaient considérables. Ces réserves ont lentement diminué au cours du Ier millénaire, plus rapidement ensuite. À partir du Moyen Âge, et alternant avec des reconquêtes par la forêt d’espaces cultivés, lors des guerres ou des épidémies, l’accroissement des populations conduisit à des défrichements des meilleurs sols jusque-là forestiers, les seigneurs se réservant des territoires de chasse, dont certains grands massifs, avec leurs carrefours en étoile, subsistent encore de nos jours (forêts domaniales de Compiègne, de Fontainebleau, etc.).Dans nos régions de l’ouest européen, on peut faire remonter les premières ébauches de «traitement sylvicole», c’est-à-dire d’exploitation plus ou moins rationnelle des forêts, à l’extension de la civilisation romaine, conduisant à un aménagement (primitif) du territoire. Des cercles concentriques autour des installations humaines comportaient successivement: les sylvae minutae , taillis à courte révolution fournissant au plus près des foyers le bois de chauffage, indispensable pour la cuisson des aliments et le confort; un peu plus loin, les forêts intentionnellement clairiérées et les grands arbres (chênes et hêtres principalement, conservés afin que les «glandées et faînées», fructifications plus ou moins régulières, permettent le «panage», nourriture des porcs et des bovins qui pacageaient en semi-liberté); plus loin, enfin, les forêts inexploitées constituant les réserves foncières du futur développement.Selon l’accroissement des populations, variable en fonction des conditions climatiques, de la fertilité naturelle des sols, de l’éloignement des vallées des grands fleuves et de leurs affluents qui constituaient les axes privilégiés du développement, la forêt régressait plus ou moins vite. Bien qu’en l’absence d’inventaires complets et fiables les données chiffrées soient incertaines, les estimations, issues de divers recoupements et documents anciens, font passer la forêt française de 30 millions d’hectares à l’époque de Charlemagne à environ 13 millions au XIVe siècle.La sylviculture s’établit alors nécessairement sur des bases réglementaires, les premiers «aménagements» développant des mesures de conservation et d’usage rationalisé d’une ressource indispensable et renouvelable. Ainsi, dès 1376, était-il préconisé, pour la forêt de Roumare, près de Rouen, des coupes annuelles maximales de 5 à 6 hectares, établies de proche en proche, et réservant de seize à vingt baliveaux par hectare.En résumant, à très grands traits, les principaux événements qui ont marqué l’évolution des forêts et de leur traitement, on peut retenir les dates suivantes:– 1291, Ordonnance de Philippe IV le Bel créant les maîtrises des eaux et forêts.– 1518, Ordonnance de François Ier étendant aux autres bois et forêts du royaume les ordonnances et défenses jusqu’alors réservées au domaine royal.– 1669, Ordonnance de Colbert, mettant en ordre les forêts royales et réglementant l’exploitation des bois, date cruciale qui marque le début d’une véritable politique forestière, visant à la conservation et au traitement de cette parure si précieuse, qui servait aux «nécessités de la guerre, à l’ornement de la paix, à l’accroissement du commerce». L’idée de conservation, de protection, qui est à la base de l’éthique forestière, y est contenue.Si l’on peut faire remonter à 1764 et à H. L. Duhamel du Monceau, inspecteur de la marine qui publie son Traité complet des bois et forêts , la première réflexion scientifique approfondie sur la forêt, nous devons reconnaître, malgré les essais estimables de Réaumur, de Buffon et de l’Anglais Evelyn (dès 1662), que les véritables méthodes organisant le traitement des forêts trouvent leur origine en Allemagne, vers la fin du XVIIIe siècle et tout au cours du XIXe. Les maîtres à penser G. L. Hartig (1764-1837) en Allemagne du Nord et J. H. Cotta (1763-1844) en Saxe préconisent, pour remédier à l’état de délabrement dans lequel se trouvaient les forêts à la suite des exploitations abusives, une remise en ordre par plantations ordonnées, régulières, généralement monospécifiques (pins sylvestres ou épicéas), étalées dans le temps et dans l’espace, afin d’assurer une couverture complète du sol et un rendement soutenu.Ces idées, transférées en France par les premiers responsables de l’École royale forestière, qui venait d’être créée en 1824, création bientôt suivie par la promulgation du Code forestier (1827), furent propagées par les premiers maîtres de l’enseignement forestier: B. Lorentz (1775-1865) puis son gendre A. Parade (1802-1865) qui, tout en prônant la conversion des taillis sous futaie en futaie, souhaitaient conserver une certaine diversité aux forêts françaises.À partir du milieu du XIXe siècle et se prolongeant jusqu’à nos jours, une politique active de reboisement, interrompue seulement par les guerres, a été conduite dans les Landes, en Sologne, en montagne et dans diverses régions de France, au fur et à mesure que les terres agricoles les moins productives étaient abandonnées. Cette politique a fait passer nos surfaces forestières, qui étaient réduites au début du XIXe siècle à moins de 8 millions d’hectares, à plus de 14,5 millions d’hectares aujourd’hui. Grâce aux efforts consentis, surtout depuis 1946 (création du Fonds forestier national, qui a permis de reboiser plus de 2 millions d’hectares depuis cette date), on a pu dire que la forêt française «montait en puissance». Sa production brute est estimée à 60 millions de mètres cubes de bois, ce qui correspond sensiblement à nos besoins.2. Les méthodes actuelles de la sylvicultureTout progrès, au cours de cette longue histoire, a été intégré pour mettre au point des règles précises, qui résultent de l’amélioration des connaissances scientifiques. Celles-ci concernent d’abord le fonctionnement des écosystèmes forestiers, le comportement des essences qui les composent, les relations avec les facteurs stationnels et, bien entendu, les acquis technologiques sur l’utilisation des produits ligneux obtenus. Mais, travaillant sur du matériel vivant, le sylviculteur est soumis, pour les progrès qu’il veut faire accomplir à ses peuplements, à des contraintes particulières.La régénérationLa première de ces contraintes concerne l’absolue nécessité de procéder, périodiquement, au renouvellement des peuplements: c’est la régénération. En effet, même si la longévité de la plupart des essences forestières paraît bien grande, par comparaison avec une génération humaine (trois cents ans pour un hêtre ou un sapin, cinq cents ans pour un chêne et plusieurs millénaires pour un séquoia), c’est beaucoup plus tôt, essentiellement pour anticiper sur la phase de décrépitude à laquelle sont soumis tous les arbres, vers cent-cent vingt ans pour un hêtre ou un sapin, de cent quatre-vingts à deux cents ans pour un chêne, que sera conduite la phase de rajeunissement.Les peuplements, après la phase de jeunesse, puis d’adolescence, seront alors mûrs, aptes à fructifier abondamment et surtout fourniront des produits parfaitement sains, bien avant que les pourritures et les attaques d’insectes, qui caractérisent la phase de sénescence et de décrépitude, interviennent.La régénération pourra être conduite soit de façon naturelle, à partir des semences des arbres composant le peuplement, soit de façon artificielle, c’est-à-dire à partir de plants (ou de graines) le plus souvent élevés en pépinières et appartenant ou non aux mêmes essences que celles du peuplement précédent.Les avantages reconnus à la régénération naturelle, qui font qu’elle est pratiquée en France sur une très large échelle, sont très nombreux: elle est plutôt moins onéreuse qu’une plantation, même si les soins à lui apporter sont coûteux; son principal avantage est de fournir en abondance des semis (plus de cent individus de l’essence principale au mètre carré sont monnaie courante), au sein desquels pourra s’opérer aisément une sélection qualitative, génétique, à partir d’une population déjà parfaitement adaptée à la station, puisque les parents y ont vécu leur vie durant; ces mêmes parents apportent à leur descendance un léger ombrage, une protection contre les excès du climat (lumière trop vive, évapotranspiration trop intense, gelées, etc.); enfin, les semis se développant en grand nombre et mélangés à diverses essences d’accompagnement offrent une image très proche de ce qui se passe en forêt naturelle. Ils expriment donc rapidement, par une vive élongation, un excellent élagage, les qualités futures des élites, qu’il faudra toutefois accompagner dans leur développement.Les inconvénients de la régénération naturelle tiennent à un certain manque de souplesse, puisqu’elle est tributaire des «années de semence» parfois très irrégulières et espacées; son succès dépend de la réceptivité du sol, de la concurrence exercée par les graminées, les fougères, la ronce; la concurrence entre espèces ligneuses est également vive, et il faudra rapidement procéder aux dépressages indispensables; de plus, les parents exercent parfois une concurrence pour l’eau et produisent un couvert excessif qui nuit au développement de leur descendance. Enfin, leur abattage nécessaire peut détruire une partie des semis, s’il est opéré sans précautions.Pour toutes ces raisons – et obligatoirement lorsqu’on veut changer d’essence ou compléter les essences précédentes –, on a recours à la régénération artificielle.Pratiquée depuis plus d’un siècle et demi en Europe, elle a fait des progrès considérables et a presque effacé les inconvénients qui lui étaient reprochés à l’origine: risques d’utiliser des essences, des écotypes non appropriés à la station ou, plus couramment, sensibilité à des parasites existant déjà; possibilité ultérieure de sélection des meilleurs individus plus limitée, du fait même que la mise en place des plants, après un travail du sol souvent indispensable, accompagné d’apports d’amendements, est toujours coûteuse et que, de ce fait, on s’efforcera d’en diminuer le nombre. Les plantations à large écartement, où les individus sont implantés à distance définitive, ont l’avantage de permettre des entretiens mécaniques aisés, mais l’inconvénient de ne plus autoriser aucune sélection jusqu’à la récolte. Le choix initial des individus, dans cette culture d’arbres, revêt donc une importance très grande.Grands types de méthodesLes méthodes actuelles de sylviculture, qui découlent du plus ou moins grand recours à l’artificialisation pour la mise en place des peuplements, puis pour leur entretien, peuvent se classer en quatre grands types:Le plus primitif d’entre eux (on ne peut guère parler de sylviculture dans ce cas), historiquement le plus ancien, mais encore largement pratiqué dans les forêts tropicales et les vastes étendues sibériennes ou canadiennes, est ce que l’on pourrait nommer la sylviculture de cueillette, qui consiste à récolter, le plus économiquement possible, les produits les plus intéressants de la forêt, sans trop se soucier de leur renouvellement.Le deuxième type, dont l’avatar extrême est ce que l’on a nommé ligniculture, donne à la sylviculture un but prioritaire de production ligneuse maximisée, à l’image des méthodes agronomiques: installation, généralement artificielle, de plants génétiquement sélectionnés, préparation soigneuse du sol auquel sont incorporés des engrais ou des amendements visant à accélérer la croissance initiale, entretiens mécanisés, soins particuliers, tels que les élagages par exemple, à apporter aux arbres individuellement sélectionnés. Cette sylviculture intensive a conduit à d’indéniables succès, dont le modèle le plus achevé en France est la pinède de pin maritime des Landes.Les risques d’une telle artificialisation intensive de la sylviculture sont bien connus: risques phytosanitaires et surtout risques climatiques auxquels, malgré quelques accidents de gel ces dernières années, les pins des Landes ont jusqu’à présent échappé.Mais cette monoculture, que nos voisins allemands et polonais ont longtemps pratiquée avec le pin sylvestre et surtout avec l’épicéa, est maintenant en voie d’abandon en Allemagne, à la suite des tempêtes catastrophiques de 1990, qui ont renversé l’équivalent de plusieurs récoltes annuelles et conduit à une sylviculture plus nuancée.C’est ce troisième type de sylviculture qui est actuellement répandu en Europe, et nous pourrions le qualifier de sylviculture «multifonctions» ou plus proche de la nature: elle a le plus souvent recours aux espèces naturelles, même si elle n’exclut pas l’usage complémentaire d’essences plus productives (douglas, mélèzes, chêne rouge d’Amérique) à introduire en mélange avec les essences locales. Les mélanges d’essences, lorsqu’ils sont possibles, sont encouragés; la régénération est de préférence naturelle, mais des compléments, en particulier avec des plantations d’essences de grande valeur économique (merisier et autres fruitiers forestiers, frêne, noyers), sont apportés. L’objectif de cette sylviculture, intensive mais fine, est de fournir, en chaque station, l’assortiment de produits de la meilleure qualité et de la plus grande diversité possibles. Les forêts ainsi constituées et conduites ont à la fois une production ligneuse élevée, une grande stabilité et une diversité appréciée du public.Le dernier type, considéré comme extrême et dans une certaine mesure futuriste, car il est peu pratiqué jusqu’à présent, consisterait à faire abstraction de tout objectif économique, pour ne plus considérer la forêt à traiter que comme un milieu vivant à conserver, un cadre paysager ou encore un élément physique à rôle exclusif de protection ou de maintien de la diversité des essences en tant que réserves de gènes. Cette sylviculture écologique est confinée à des zones de montagnes ou à des réserves à usage scientifique, mais elle pourrait s’étendre, sous d’autres formes, à de vastes zones d’accueil du public, à proximité des villes.3. Les soins aux forêtsQuelles que soient les méthodes sylvicoles appliquées, les forêts bénéficient de soins qui sont apportés tout au long de la vie des peuplements: ils sont habituellement classés en deux phases, les travaux qui interviennent dans les peuplements jeunes, puis les éclaircies , pratiquées dans les peuplements adolescents et adultes.Phase des travauxLes soins culturaux apportés aux jeunes peuplements ont pour rôle de régler la composition future de la forêt et de favoriser la croissance des futures élites. Selon l’âge des peuplements, ces soins seront nommés dégagements , aux stades les plus jeunes (semis et fourrés), dépressages et nettoiements dans les gaulis (jeunes peuplements équiennes de futaie, succédant aux fourrés et précédant les perchis) et les bas-perchis.Les dégagements visent à trier dans le peuplement initial, très dense, les essences principales en les dégageant de la concurrence des essences secondaires et de la végétation envahissante (ronces, fougères, lianes, etc.) qui gênent leur développement. Ces travaux, coûteux parce que exécutés le plus souvent à la main, sont organisés à partir d’un réseau de bandes débroussaillées, travaillées mécaniquement, qu’on nomme cloisonnement cultural.Suivent les dépressages puis les nettoiements poursuivant cette sélection systématique, qui peut durer, dans le cas du chêne par exemple, jusque vers quarante ans.C’est seulement ensuite, au stade du haut-perchis constitué, que peuvent se pratiquer les éclaircies.Phase des éclairciesLe but des éclaircies, action essentielle du forestier, est multiple: poursuite de la sélection entre essences principales et secondaires, espacement progressif des tiges sélectionnées afin de les faire grossir et récolte anticipée et partielle de produits, précédant les coupes principales d’arbres mûrs.Il résulte de nombreuses études, conduites depuis plus d’un siècle à l’échelle européenne et étendues à diverses régions du monde, que les principes de l’éclaircie sont bien connus, même s’ils sont appliqués en les nuançant en fonction des essences, des régions concernées et des objectifs poursuivis à terme.L’idéal serait de pouvoir intervenir le plus tôt possible dans les peuplements et fréquemment, avec une intensité aussi forte que possible, afin d’obtenir rapidement les arbres de gros diamètres, dont les produits sont les plus rémunérateurs. Mais des considérations économiques – par exemple la mévente des petits bois – ou technologiques – certaines essences, comme le chêne ou la plupart des résineux ayant des qualités de bois d’autant meilleures que les accroissements sont plus fins – font que les éclaircies devront être pratiquées moins intensément.L’optimisation du régime d’éclaircies a fait l’objet de diverses études, la régularité des accroissements (cernes du bois) étant toujours un bon critère de qualité. Des tables-guides de production ont été établies pour les principales essences forestières, indiquant à chaque âge et pour chaque classe de fertilité des stations l’optimum de densité des peuplements.4. Avenir de la sylviculture. Protection des forêtsAu cours des récentes années, plusieurs réunions internationales (conférence Silva à Paris en 1986, Congrès forestier mondial en 1991, Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, etc.) se sont penchées sur le devenir prévisible de notre environnement et en particulier sur l’avenir des forêts. Toutes ont souligné les menaces contenues à terme dans la destruction de ces forêts à l’échelle mondiale, forêts qui disparaissent à un rythme estimé à plus de 17 millions d’hectares (soit un peu plus que la surface des forêts françaises) chaque année. Cette destruction est très inégalement répartie: importante dans les régions intertropicales et sahéliennes, elle est due pour la plus grande part aux défrichements pour mises en culture de nouvelles terres, aux incendies qui les accompagnent ou à la nécessité de se procurer du bois de feu. Dans les pays développés, en revanche, d’actives politiques de reboisement, couplées avec l’abandon de terres marginales par l’agriculture, aboutissent à une stabilisation, voire à une augmentation des surfaces forestières.Cette évolution est porteuse de multiples dangers. Non seulement il n’est pas sain que l’écart se creuse entre les plus démunis, de plus en plus nombreux, et les plus riches, dont le nombre ne s’accroît plus guère; mais le risque est à terme de bouleversements climatiques, dont personne ne pourra se tenir à l’abri. Déjà, des signes de dépérissement généralisé des forêts apparaissent , dont les causes, complexes, sont considérées, au moins pour une part, comme des conséquences de changements climatiques, liés eux-mêmes à l’augmentation, incontestable, du taux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. L’écosystème Terre se trouverait en fait – sous l’influence conjointe et complémentaire de l’augmentation du C2, due à la combustion des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) et de la diminution du piégeage de ce même C2 par la photosynthèse, des arbres en particulier – dans une phase de surchauffe, dont les conséquences à terme sont imprévisibles (certains modèles permettent d’estimer une augmentation des températures moyennes, sur le globe, de l’ordre de 1 à 2 0C pour les vingt ans à venir).Pour les peuplements forestiers, les conséquences seraient considérables, rendant nécessaires des modifications dans la composition en essences, afin de s’adapter à ces changements.Les scientifiques forestiers, qui ont constaté des «anomalies de fonctionnement», mal expliquées dans les accroissements de nos principales essences forestières, suivent avec beaucoup d’attention les études bioclimatiques en cours et les essais de modélisation et de prévision à moyen terme des climats qui sont tentés.Les reboisements futurs auront peut-être pour principal intérêt et objectif de fixer ce C2 en excès, et l’intensification de la sylviculture devra y contribuer.De même, la lutte contre les nombreux parasites, insectes, champignons, bactéries, virus, qui diminuent la production forestière doit être constamment améliorée: lutte sylvicole par sélection des individus les moins sensibles, lutte biologique, lutte chimique si nécessaire.Dans nos pays industrialisés où les habitants se concentrent toujours davantage dans les villes, la sylviculture de demain aura pour rôle important, sinon prioritaire, la mise au point de méthodes de création et d’entretien de peuplements aménagés pour l’accueil du public. Les directives paysagères, comme c’est déjà le cas pour certains grands massifs très fréquentés, interfèrent avec les nécessités, toujours présentes, du renouvellement des peuplements. Le métier de forestier s’apparentera alors à celui du paysagiste, afin qu’il constitue, dans une optique de gestion patrimoniale, la forêt saine, stable et belle que souhaite le public.5. Sylviculture tropicaleEn zone tropicale, l’immensité des domaines forestiers, l’exubérance apparente de la végétation en forêt dense qui semblait s’expliquer par des conditions écologiques éminemment favorables ont longtemps fait penser que toute intervention humaine sur le plan de la sylviculture était parfaitement inutile; quelques observations hâtives avaient permis d’affirmer que «la forêt tropicale se régénérait toute seule» et que, du fait que les besoins locaux en bois étaient infimes, le problème du maintien et de la pérennité de ces forêts ne se poserait pas avant plusieurs siècles. Les premiers pays tropicaux dotés de services forestiers furent certaines colonies anglaises et hollandaises du Sud-Est asiatique (Inde, Malaisie, Indonésie...), et les forestiers européens qui y furent affectés au début du siècle furent vite conscients de l’inanité et de la naïveté de telles affirmations. Telle fut également la réaction vers 1920-1930 en Afrique, et plus tard en Amérique.Les forêts tropicales sont des formations biologiques en équilibre avec leur milieu, mais, si ce dernier est perturbé, «manipulé» par l’homme, elles s’en trouvent profondément modifiées dans leur structure et leur composition floristique, et à la limite disparaissent. Pour les maintenir dans leur potentiel biologique et économique, l’homme devait donc intervenir en pratiquant, comme en pays tempérés, des travaux de sylviculture. Toutefois, l’avenir des forêts tropicales pose actuellement des problèmes angoissants, car la régénération de ces forêts est insuffisamment assurée eu égard aux destructions provoquées par l’homme.Le traitement de ces forêts est conditionné par deux facteurs essentiels: l’un, naturel, est la complexité des formations forestières tropicales; l’autre, historique, est l’évolution des contraintes qui ont modifié depuis un siècle les conditions de la sylviculture. Le sylviculteur a de la sorte rarement dépassé le stade des travaux expérimentaux, encore que des résultats importants aient déjà été obtenus.Les connaissances de base sont encore souvent incomplètes, qu’il s’agisse des interactions entre les nombreux éléments constitutifs des écosystèmes ou des exigences écologiques des espèces, de leurs possibilités d’adaptation aux diverses stations; mais de nombreuses recherches sont en cours à ce sujet.La mise au point des techniques d’éclaircie et d’amélioration des peuplements est plus ou moins avancée selon les espèces: elle est maintenant bien établie en ce qui concerne les plantations de teck, de Gmelina , de pins, d’Eucalyptus ainsi que l’amélioration (dégagements et éclaircies) des peuplements naturels d’okoumé en Afrique, de certaines Diptérocarpacées dans le Sud-Est asiatique.La régénération des peuplements forestiers a donné lieu à de très nombreux essais qui peuvent être classés, comme dans les régions tempérées, en deux grandes catégories:– La régénération naturelle, qui a été mise au point surtout dans le Sud-Est asiatique où les conditions naturelles étaient les plus favorables (nombre suffisant de semenciers et d’espèces à tempérament très voisin). Le «Malayan Uniform System» comme le «Tropical Shelter Wood System» constituent une adaptation plus ou moins simplifiée de la méthode de régénération naturelle par coupes progressives; du fait que l’on travaille au départ avec un grand nombre d’espèces, on profite des travaux de dégagement pour supprimer les arbres appartenant à certaines des espèces les moins utiles et simplifier la composition des peuplements forestiers. Appliquées à l’Afrique, où les formations forestières sont moins homogènes, ces techniques n’ont pas donné de très bons résultats; elles ont été soit complétées par des plantations d’appoint, soit abandonnées au profit de la régénération artificielle.– La régénération artificielle fut adoptée surtout en Afrique pour les raisons exposées ci-dessus; les techniques de régénération artificielle varient surtout selon les moyens financiers dont on peut disposer.La méthode des layons consiste à introduire dans des layons ouverts dans la forêt originelle des plants élevés en pépinière; c’est surtout une méthode d’enrichissement de la forêt. Les méthodes de plantation en plein sur forêt progressivement détruite conduisent à supprimer en deux ou trois ans l’écosystème forestier primitif et à lui substituer un étage dominant artificiel fait des espèces introduites: on espère obtenir ainsi des peuplements équiennes exploitables à l’âge de trente à quarante ans (Terminalia , Khaya , Aucoumea , Triplochiton ). Les méthodes de plantation en plein sur terrain entièrement dégagé se sont révélées être les seules techniques possibles avec le teck, les pins, le Gmelina , les Eucalyptus , qui exigent d’être plantés sur des terrains préparés comme des terrains agricoles; on crée ainsi un écosystème entièrement nouveau ne comprenant parfois aucun sous-étage, dont la productivité est forte: plus de 10 mètres cubes de bois produits annuellement à l’hectare.Les techniques décrites ci-dessus ont pour objectif de remplacer, au moyen de la régénération naturelle ou artificielle, un peuplement naturel par un autre peuplement répondant mieux aux attentes de l’économie. Depuis les années 1970, les recherches se sont orientées vers l’étude d’une sylviculture «douce», qui consiste à ouvrir de façon contrôlée le couvert forestier au moyen d’une exploitation limitée et d’une éclaircie complémentaire. L’éclairement ainsi apporté au sous-étage favorise à la fois la croissance des arbres et le développement des jeunes tiges. Ce type de sylviculture tend à accroître la vitesse de croissance des arbres et l’adaptation de la forêt aux besoins sociaux et économiques, tout en conservant sa riche diversité biologique.Ainsi, la sylviculture tropicale peut être très productive, dans le cas des plantations ou de la transformation intensive de certains peuplements naturels, ou très conservatrice dans des écosystèmes dont elle relance la dynamique plus qu’elle ne les transforme.sylviculturen. f. Didac. Culture des arbres et arbrisseaux forestiers.⇒SYLVICULTURE, subst. fém.Science ayant pour objet la culture, l'entretien et l'exploitation rationnelle des forêts. J'entre à l'Exposition au pavillon des forêts (...) et c'est (...) comme l'entrée dans un palais magique, bâti par les fées de la sylviculture, dans ce palais aux colonnes fabriquées avec ces vieux troncs d'arbres (GONCOURT, Journal, 1889, p. 1053). Les procédés de multiplication: greffage, marcottage, bouturage, sont peu employés en sylviculture, exception faite toutefois pour le bouturage qui est le mode normal de production des plants de peupliers (COCHET, Bois, 1963, p. 20).Prononc. et Orth.:[
]. Att. ds Ac. dep. 1878. Lar. Lang. fr.: sylviculture, silviculture. Étymol. et Hist. 1835 (P. TEULIÈRE, Histoire naturelle, Paris, 83 ds Fr. mod. t. 33, p. 232: La culture [...] des forêts, [s'appelle] sylviculture); 1845 silviculture (BESCH.). Comp. de l'élém. sylvi-, du lat. silva, sylva « forêt » et de culture sur le modèle de agriculture, horticulture, etc.
sylviculture [silvikyltyʀ] n. f.ÉTYM. 1835; de sylvi-, et -culture, sur le modèle d'agriculture.❖♦ Didact. Exploitation rationnelle des arbres forestiers (conservation, entretien, régénération, reboisement, etc.). ⇒ Arboriculture.0 À l'Exposition, j'entre au Pavillon des forêts, à une heure où la lumière commence à devenir un rien crépusculaire, et c'est vraiment pour moi comme l'entrée dans un palais magique, bâti par les fées de la Sylviculture, dans ce palais aux colonnes fabriquées par ces vieux troncs d'arbres (…)Ed. et J. de Goncourt, Journal, 11 oct. 1889, t. VIII, p. 79.
Encyclopédie Universelle. 2012.